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WATT Julien Pontvianne clarinette Antonin-Tri Hoang clarinettes Jean-Brice Godet clarinettes Jean Dousteyssier clarinette Dans le désert, sous le ciel, différenciés par Watt comme étant l’un au-dessous, l’autre au-dessus, de Watt. Que devant lui, derrière lui, tout autour de lui, il y eût autre chose, ni désert ni ciel, Watt n’en éprouvait pas la sensation. Et il n’avait toujours devant lui, de quelque côté qu’il se tourne, que leur longue et sombre coulée de concert vers un mirage d’union. Le ciel était de couleur sombre, d’où on serait tenté d’inférer que les feux habituels en étaient absents. Ils l’étaient. Le désert lui aussi, inutile de dire, était de couleur sombre. A vrai dire ciel et désert étaient de la même couleur sombre, ce qui n’a rien d’étonnant. Watt lui aussi, comme de juste était de la même couleur sombre. Cette couleur sombre était si sombre que sa couleur ne laissait pas identifier avec certitude. Par moments on aurait dit une sombre absence de couleur, ou un sombre mélange de toutes les couleurs, un blanc sombre. Mais comme Watt n’aimait pas l’expression blanc sombre il continuait d’appeler son sombre une couleur sombre tout court, ce qu’à strictement parler il n’était pas, vu que la couleur était sombre au point de défier toute identification comme telle. La source de la faible lumière répandue sur cette scène est inconnue. D’autres particularités de ce paysage d’âme: La température était douce. Au-dessous de Watt le désert se soulevait et retombait. Tout était silencieux. Au-dessus de Watt le ciel retombait et se soulevait. Watt était rivé sur place. Samuel Beckett, Watt, 1942 |